Tournois au niveau V et plus

C'est désormais que cela devient vraiment amusant. Maintenant que les limites sont de 200/400 (les blinds de 100/200), il vous faut changer d'attitude très vite. La moitié sinon plus de la table a normalement déjà été éjectée du tournoi, ou le sera très vite. Dans un jeu short-handed (non plus dix mais quatre ou cinq joueurs) les mains moyennes deviennent fortes, et les mains fortes deviennent des monstres.

A9s par exemple, une main jouable à 10 joueurs, devient très jouable à quatre personnes. K9o, que l'on considère comme une main faible dans un jeu à dix, est également jouable à quatre. Bien entendu, la question de la position à la table garde toute son importance : plus vous êtes en position hâtive, plus fortes doivent être vos mains. Plus vous êtes en position tardive, plus vous pouvez tenter des mains plus faibles, puisque vous avez moins à vous préoccuper de savoir si vous risquez d'être relancé.

D'ailleurs, ce sera à vous de faire les relances ! A ce stade du jeu, vous ne cherchez plus forcément à aller jusqu'au dévoilement. Voler les binds devient critique, car ils sont de plus en plus gros. Au rythme où va le jeu, tout votre tapis peut y passer. C'est pourquoi contrairement à ce que vous avez fait pendant le reste du temps, commencez à jouer agressivement mais en suivant votre propre logique, sans émotion.


Les grosses mains doivent être relancées et les petites mains doivent être couchées rapidement. Vous devez être capable de décoller comme une fusée ou au contraire de tout stopper à la seconde et de jeter votre jeu. Soyez l'agresseur ! Misez sur le flop si vous avez relancé avant le flop. Ce qui compte, ce n'est pas ce que vous avez, c'est ce que vos adversaires n'ont pas !

Imaginez ceci : vous avez AQ et le flop donne KT7. Vous êtes en dernière position pour parler, mais le Big Blind (en 1ère position sur le flop donc) relance de 400. Est-ce que vous suivez ? C'est une décision difficile car vous devez imaginer ce qu'il a. S'il a un Roi (et donc une paire), vous êtes tout sauf mort puisque vous avez un tirage de suite et potentiellement une paire d'As.


Même s'il n'a rien, est-ce que ce maniaque va miser 400 aussi sur le tournant et encore 400 sur la rivière ? Avez-vous envie de payer 1200 pour voir ?

Vous n'avez certainement pas envie d'être dans cette position. Vous aimeriez au contraire pousser les autres à prendre une décision de ce type. Dans un scénario comme celui ci-dessus, vous auriez pu avoir A9o et relancer avant le flop.


Quand le flop vient, vous auriez miser sur votre As aussi fou que cela paraître. Devinez quoi ? L'adversaire aurait fini par se coucher et vous auriez gagner avec la main la plus faible.


C'est pourquoi, prendre les devants est vital à ce niveau du tournoi car le poker devient une question de mental plutôt qu'un jeu de cartes. Tout ce que l'adversaire doit penser, c'est que vous êtes plus fort et lui plus faible. Si vous arrivez à l'en persuader, vous avez déjà gagné, quelles que soit les cartes que vous avez en main.

Dans les tournois à buy-in plus réduit, vous vous rendrez compte que les joueurs solides jouant "serré" arrivent jusqu'aux niveaux les plus élevés, mais que la plupart d'entre eux hésiteront et renonceront lorsque les choses deviennent vraiment sérieuses. Pour vous donner une idée de ce que devrait être votre objectif dans un tournoi, analysez l'histoire suivante :

Jean-Mi a joué serré pendant la première demi-heure; il a prudemment pris quelques pots mais couché la plupart de ses mains. Maintenant que les blinds ont beaucoup augmenté, les trois autres joueurs font en sorte que la moitié des mains où Jean-Mi est impliqué soient relancées avant le flop.


Ils savent que c'est un joueur "serré", hésitant à suivre les relances, et veulent que Jean-Mi s'implique dans les pots. La plupart du temps, ils se contentent de se coucher et Jean-Mi finit par ramasser les pots. Finalement Marco, un autre joueur "serré", tire ses As et quand Jean-Mi relance avant le flop, il le sur-relance immédiatement. Jean-Mi se couche tout simplement et Marco ramasse le pot. La main suivante, Jean-Mi relance à nouveau avant le flop. Marco ne croit pas à un tel come-back et sur-relance. Jean-Mi suit. Marco hésite et se couche.

La morale de cette histoire, c'est qu'il faut faire comme Jean-Mi. Bien sûr, quand vous êtes agressif et à l'attaque, à un certain moment quelqu'un va vouloir venir vous taquiner, que ce soit à travers une relance, un check-raise (embuscade) ou autre.


Ne soyez pas agressif à relancer comme un fou sur tout ce qui se présente. On ne peut tout simplement pas relancer quelque soit la situation. Souvenez-vous que lorsque les joueurs "serrés" viennent vous taquiner, aussi longtemps que vous avez les cartes pour être plus agressifs qu'eux, vous gagnerez.


Et quand vous êtes l'agresseur, c'est vous qui allez vous attaquer aux joueurs "serrés". C'est pourquoi vous avez toujours plus d'informations sur vos adversaires. Lorsque c'est eux qui vous relancent, vous savez forcément qu'ils ont quelque chose. Quand vous les suivez, ils ne savent pas ce que vous avez.


Eventuellement ils vont se piéger eux-mêmes lorsque vous avez réellement quelque chose et qu'ils ouvrent avec une paire ou un kicker plus petits que le vôtre; c'est alors à vous de les châtier !

On sait que certains vont dire : Ouais, c'est super et tout, mais que faire lorsque c'est sur vous que s'acharne un joueur "serré" et qu'il sur-relance tout ce que vous avez ? On peut simplement vous garantir que cela n'arrive pas aux premiers niveaux des tournois. Par contre, une fois que la partie est devenue un bras-de-fer mental, les joueurs faibles/moyens n'arrivent plus à penser avec logique mais sont sous le coup de l'émotion.


Ils seront effrayés et dans la plupart des cas, n'auront pas le courage de vous affronter. Ils peuvent se mettre à tilter et à suivre ou relancer toutes les mains. De votre côté il faut sur-relancer les grosses mains avant le flop, et suivre avec des mains plus faibles. Par exemple sur-relancer les paires agressivement, suivre avec un As kicker ou un K kicker, se coucher si vous n'avez qu'un petit kicker. Gagner plus quand vous gagnez, perdre moins quand vous perdez.

Bon voilà, on pense que l'on en a dit suffisamment pour l'instant, non ? On peut résumer tout cela à travers deux grands "axiomes pokériens" : Jouez agressivement, mais pas trop agressivement. Jouez prudemment, mais pas trop prudemment !